Patridographie
Il était une fois quand je fréquentais l’école primaire, il y avait alors une matière que j’aimais particulièrement. La “Patridognosie”, que l’on nommait également parfois “Patridographie”. Au-delà de sa spécificité de cours-pivot et dont le but était d’entretenir chez les plus jeunes Grecs, la culture de la conscience collective nationale ; son cursus visait autant d’autres attentions pédagogiques comparables, toujours en rapport aux divers cours dispensés à l’époque.
Entre tradition et nécessité. Grèce continentale, années 1920
Cette matière scolaire et autant démarche éducative, puise très tôt son origine dans les besoins et les priorités de l’État grec durant son premier siècle d’existence après la Guerre d’Indépendance de 1821-1829, ou Révolution grecque de 1821. Soulèvement, à l’issue duquel, les Hellènes réussirent à gagner leur indépendance après quatre longs et douloureux siècles vécus sous le joug de l’Empire ottoman.
Patridognosie. Manuel scolaire grec des années 1930
D’emblée, cette leçon fournissait des connaissances de base en géographie, en premier lieu à destination des élèves du premier cycle éducatif. Le but de son enseignement faisait de ce cours, le fondement de toute autre connaissance et ainsi compréhension du monde qui entoure le jeune public et qui serait dispensée à l’avenir dans les classes post-primaires, notamment en “Naturographie”, autrement-dit, la Géographie, suivie de l’Histoire.
Patridognosie. Manuel scolaire grec des années 1960-1970
Avec toujours à la clef, l’élément de l’observation directe et active, “de perception sensuelle” comme on le disait à l’époque, et de la sorte, cet exercice quotidien de la faculté de lire et d’apprendre de façon agréable, pour un cours toutefois de base, dispensé durant les trois premières années de l’école primaire.
Quel joli mot sinon, que celui de “Patridognosie”. Terme alors composé, car il comprend deux concepts importants. Patrie et érudition ! Et son cours, il était en quelque sorte, à la fois général que spécialisé. Nous y avons d’abord appris la division de la Grèce, ses régions, ses municipalités, ses préfectures liées aux départements ; notons seulement que ces derniers ont été administrativement supprimés en 2010, au profit des “grandes et puissantes Régions”.
Patridognosie. Manuel scolaire des années 1950
J’ai vraiment adoré ce cours. Comme d’ailleurs la plupart de mes camarades de classe. Cela nous a fait aimer la Grèce, nous greffer à notre patrie, sentir le pin, la mer, le romarin, l’origan, les roses, plonger dans la mer Égée et ses Cyclades, ou sinon “nous enfoncer” du côté des îles Ioniennes… Et c’est comme si déjà, nous avions visité tout notre pays… dans son intégralité.
Cependant au fil des années, la Patridognosie est entrée dans les archives de l’histoire scolaire. Elle a été remplacée par les études dites “environnementales”, déjà dans les trois premières années de l’école primaire. La vérité est que ces connaissances désormais… novatrices, sont enseignées aux enfants de manière plus détaillée, peut-être même plus spécialisée, voilà en tout cas pour ce qui est énoncé à travers les instructions officielles du ministère.
Géographie. Manuel scolaire des années 1950
J’avoue que je voulais que nos enfants puissent apprendre la Grèce comme mes propres maîtres me l’ont apprise. Pour qu’ils comprennent que dans notre… réalité moderne, ils ont quelque part une identité nationale et culturelle.
Classe de jadis reconstituée. Thessalie occidentale, juillet 2018
Géographie. Thessalie occidentale, mai 2023
La patrie perdue peut aussi être, cette patrie dans laquelle nous vivons, mais que nous l’ignorons.
Ou, comme le disait le poète et écrivain Yórgos Ioánnou, sur lequel nous reviendrons souvent à travers ce blog, grand auteur actuel… et déjà du passé : “Je suis ce contemporain de l’avant-dernière mode”.
“Ubi bene, ibi patria” La patrie est où l’on est bien, ou… presque !
Patrie… précise. Thessalie occidentale, mai 2023
* Photo de couverture: Classe de jadis, reconstituée. Thessalie occidentale, juillet 2018