L’été grec encore cette année, devrait être à la hauteur de ses engagements et de ses ambitions. Soleil, mer… Cyclades et salade à la féta, voilà pour ce qui demeure toujours recherché, d’abord à travers les stéréotypes. Et pourtant…
L’été grec et ses stéréotypes. Galaxídi, août 2024
Depuis Galaxídi en Grèce Centrale, on peut certes se baigner en scrutant Delphes en face sur l’incontournable mont Parnasse, jadis comme on sait, consacré à la fois au dieu Apollon et à ses Muses, actuellement dédié au tourisme plutôt de masse. D’ailleurs Aráhova à mille mètres d’altitude, localité située autant près de Delphes, fut encore au début des années 1960 ce village pratiquement dépourvu d’équipements hôteliers dignes de ce nom, où les habitants vivaient de leurs troupeaux et du tissage… quand le dernier métier à tisser en activité fut abandonné en 2020.
Aménagement… près du port à Galaxídi. Août 2024
Toute une époque alors diraient certains, car aujourd’hui, il s’agit d’un bourg touristique disposant de près de 40 hôtels, en raison certes de la proximité de Delphes et du monastère d’Óssios Loukás, et, en hiver, des pistes de ski du Parnasse, fréquentées par les Athéniens… autorisés. Ainsi, le village fut surnommé entre Grecs “Mýkonos de l’hiver”, mais c’était tout de même bien avant les préliminaires de la crise grecque de 2010.
Près du port à Galaxídi, un semblant de minuscule plage aménagée attire certes du monde en ce mois d’août de la dernière chance, les baigneuses et les baigneurs sont issus de la trop vaste Europe dont quelques Grecs, c’est-à-dire Athéniens, où les chaises longues sont louées 14€ pièce pour toute la journée, la consommation au bar en plus. Accessoirement, une forte “musique” post-moderne, il faut dire abrutissante, en rajoute à l’ambiance préfabriquée et pour les amateurs d’harmonie… c’est déjà sauve-qui-peut.
Fort heureusement, 500 mètres plus loin, deux vraies criques sans musique hormis l’écho des cigales, font encore le bonheur des locaux et autant des touristes sortant comme on dit du lot. Et de même, on y contemple à la fois Delphes et le traditionnel chantier naval de Galaxídi ; couleur carte-postale assurée comme enfin justifiée.
Le port et les deux baies. Épidaure, août 2024
Cependant, août demeure le mois le plus chargé, dont celui des vacances pour de nombreux Grecs, même si leur quantité et surtout leurs nuitées en location se résument en quelques jours seulement, autour comme de coutume du 15 août, journée qui symbolise une date importante dans la religion chrétienne.
Plus exactement, cette fête de la Sainte Vierge appelée l’Assomption chez les catholiques, et la Dormition chez les orthodoxes, est surnommée par la tradition grecque comme incarnant la “
Pâques de l’été”, un grand moment certes, car il clôture le calendrier liturgique, notamment depuis Noël.
Astros plage, dans le Péloponnèse. Août 2024
Les plages sont ainsi partout bondées, surtout près des localités comme par exemple à Astros dans le Péloponnèse, de même que le port et les deux baies d’Épidaure… sur mer, qui sont pris d’assaut par les voiliers et les autres yachts de location. Le tout, en amont bien évidemment d’Épidaure de l’intérieur des terres, s’agissant du célèbre site, où bien jadis à l’Époque classique, on pratiquait la médecine par les hallucinations au sanctuaire d’Asclépios, ce dernier faisant la renommée de la cité, le célèbre théâtre antique des lieux en plus.
L’autoroute Egnatía. Vers Igoumenítsa, août 2024
Pourtant, pendant que le site d’Épidaure est bondé de monde en cette période de l’année, Dodone, ou Dodóni en grec, l’autre grand sanctuaire de l’Antiquité est presque ignoré des visiteurs. Seulement voilà, ce sanctuaire est situé en Épire, à l’extrémité Nord-Ouest du pays, à 22 km au sud de la ville Ioannina et à 63 km d’Igoumenítsa face à Corfou. Igoumenítsa, en somme la capitale du district régional de Thesprotia dont le grand port fait l’objet de liaisons maritimes régulières avec l’Italie, plus exactement, Venise, Ancône, Bari et Brindisi.
Le port. Igoumenítsa, août 2024
En ce moment, le port d’Igoumenítsa est à son tour bondé, même si ses installations et ses terminaux ont pratiquement doublé en superficie et en capacité, ceci en moins de 20 ans. De même que l’autoroute d’Egnatía, devenue payante car privatisée il y a peu, reliant Igoumenítsa et en réalité une bonne part des Balkans avec l’Italie, elle est à son tour bien fréquentée.
Quiétude. Thessalie des montagnes, août 2024
Rappelons que la route Egnatía ou A2 – E90, longue de 658 km, construite entre 1994 et 2009, presque sur les traces de son ancêtre romain portant le même nom, constitue une infrastructure routière majeure dans les échanges entre le sud de l’Europe et le Moyen-Orient. Cette autoroute, qui traverse toute le Grèce continentale côté Nord, établit la liaison entre la Turquie et l’Europe centrale (Albanie, Macédoine du Nord, Bulgarie) ainsi que l’Italie.
Dodóni en Épire. Août 2024
Mais alors à Dodone, à l’intérieur des terres et entre les montagnes, on peut encore près du site déguster les plats simples du pays à moindre frais et ceci sans la foule. À la petite taverne des lieux, on vend même encore les authentiques produits locaux, tandis que les murs de l’établissement sont décorés par une sélection d’affiches datant des représentations du théâtre antique à Dodone même.
Accueil. Dodóni, août 2024
C’était durant les années 1960, alors du temps où l’esprit et la lettre des auteurs antiques furent encore respectés, contrairement à ce qui se produit par exemple cette année 2024 à Épidaure, quand hélas les pièces antiques servent sinon de prétexte pour y exposer les pires nouveautés méta-modernes, loin de toute harmonie et même de toute beauté. Pauvres spectateurs, Grecs comme étrangers.
Affiches du théâtre antique. Dodóni, août 2024
Notons enfin au sujet de Dodone… et de ses chats, que d’après Hérodote, ce serait le plus vieil oracle grec, remontant peut-être au IIe millénaire av. J.-C., dont le sanctuaire fut dédié à Zeus et à la Déesse-Mère, révérée sous le nom de Dioné où les prêtres et les prêtresses du bosquet sacré interprétaient le bruissement des feuilles de chêne sous le vent.
Produits locaux. Dodóni, août 2024
En dépit de l’été, en dépit de… l’urgence vacancière, c’est en cette Grèce du Nord, celle des terres et des montagnes, que “Grèce Autrement” trouve alors comme attendu toute sa bonne manière ainsi que tout son sens, pour ainsi faire découvrir le pays loin des foules et d’ailleurs au-delà des stéréotypes.
La suite… logique, tout comme géographique à Dodone et à l’Épire, c’est pour nous la Thessalie, terre dont je suis originaire et que je fais découvrir avec tant de bon plaisir.
La taverne. Dodóni, août 2024
Il faut ici préciser qu’à part les incontournables Météores et leurs “monastères” tant fréquentés, le reste de la Thessalie Occidentale demeure un pays largement inconnu, pour ne pas dire délaissé. Ce n’est d’ailleurs que maintenant, que nos villages de montagne trouvent un peu de leurs habitants de jadis, ou plus exactement de leurs descendants partis vivre ailleurs entre Athènes, Thessalonique, Berlin ou Londres, quand en plus, les églises déjà en fête, se préparent pour le grand moment du 15 août.
Quiétude. Thessalie des montagnes, août 2024
L’administration régionale vient de remettre en état certaines routes tant abimées suite aux pluies diluviennes, aux inondations et aux glissements de terrain datant de septembre 2023, ainsi, ceux qui tiennent à leurs villages d’origine en sont satisfaits, sauf que ces réparations ne garantissent guère la… pérennité des liaisons, surtout à l’approche de l’hiver prochain.
Église en fête. Thessalie des montagnes, août 2024
La Grèce… amaigrie des terroirs se bat donc comme elle peut, loin de la capitale, loin des plages et loin des foules. Le combat est certes inégal, cependant du moins, la beauté est toujours au rendez-vous, de même que les rencontres de plus en plus fréquentes avec nos ours… sans oublier bien entendu la nouvelle génération pour ce qui est des chats des lieux.
Architecture. Thessalie des montagnes, août 2024
Nous sommes certes loin de l’été grec du regretté Jacques Lacarrière, grand écrivain français connu pour ses récits de voyage, notamment en Grèce, et pourtant.
Et pour ce qui est enfin du tourisme de masse en Grèce, comme il est noté à juste titre dans un récent article, le point de rupture… du côté des îles comme du côté d’Athènes n’est guère loin. “
C’est là tout le paradoxe de touristes qui rêvent de tranquillité, de nature et de produits frais, fantasmant une certaine idée de… l’authenticité, mais dont la présence détruit progressivement tout ce qu’ils viennent chercher en Grèce. Avec 32,7 millions de visiteurs, l’année 2023 a battu tous les records de fréquentation alors que la majorité de la population de 10,5 millions d’habitants ne peut pas partir en vacances dans son propre pays, incapable de payer des billets de ferry ou des logements dont les prix s’envolent”.
La taverne. Dodóni, août 2024
L’été grec sinon pour nous cette année, reste à la hauteur de ses engagements et de ses autres ambitions. Soleil, montagne, lacs et esprit du pays !
Nouveau… monde. Thessalie des montagnes, août 2024
* Photo de couverture: L’été grec dans ses stéréotypes. Galaxídi, août 2024