Théophanie

Jour de la Théophanie en ce 6 janvier, signe de Dieu pour les Orthodoxes en Grèce, veille de Noël en Serbie et en Russie. Car, rappelons-le, plus de 200 millions de Chrétiens Orthodoxes dans le monde, célèbrent Noël le 7 janvier en raison de l’alignement sur le calendrier julien. Sauf… la Grèce.

Quelle que soit la situation dans chaque pays concerné, la Théophanie demeure l’une parmi les plus grandes fêtes du Christianisme oriental. L’Église orthodoxe grecque la célèbre le 6 janvier et les orthodoxes russes et serbes, le 19 janvier. C’est en quelque sorte le pendant orthodoxe de la fête de l’Épiphanie dans l’Église Catholique ; cependant, les rites de la Théophanie sont différents de ceux de l’Épiphanie.

Moment donc important pour les Grecs, en tout cas traditionnellement, lesquels du coup, ils célèbrent leur Théophanie que l’on appelle également au pays non sans raison, les “Lumières”.

C’est à cette occasion qu’a lieu la cérémonie de la bénédiction des eaux, en souvenir du baptême de Jésus-Christ dans les eaux du Jourdain. En Grèce chaque année, le pope immerge la croix, ou le plus souvent il la jette à l’eau, par exemple en mer ou à défaut, dans une rivière, un lac, voire, un bassin pour que sitôt, les plus vaillants parmi les fidèles y plongent pour la ramener.

Cette immersion de la Croix a généralement lieu à trois reprises, comme en ce 6 janvier à Méthana en Péloponnèse nord-est, permettant potentiellement à trois plongeurs de la ramener, plutôt qu’à un seul. Il va de soi, que d’après la croyance traditionnelle, les bienheureux qui retrouvent la croix seront protégés tout au long de la nouvelle année. Espérons-le…

La Théophanie, littéralement “la manifestation de Dieu”, est cette fête déjà antique, pendant laquelle on exposait publiquement les statues des divinités, entre autres à Delphes. Mais en cette Grèce contemporaine… amoindrie par la méta-modernité, la journée avait été plutôt une occasion pour les retrouvailles dans la sociabilité, sous un ciel il faut dire mitigé, au calme plutôt doux et sans la moindre pluie.

Ainsi, dans cette bourgade du Péloponnèse mythique vieillissant et toujours si beau à visiter comme on sait, les terrasses des cafés ont été vite remplies et d’abord, celles donnant sur le port, pour alors ne rien rater de la cérémonie et principalement de son spectacle. Les villageois certes, n’ont pas été aussi nombreux que par le passé à fréquenter l’église pendant la messe, de même que sur le port… car en ce moment, pratiquement toutes les familles subissent de nombreux rhumes et alors grippes à répétition.

Nos plongeurs ont fait cependant de leur mieux sans craindre les rhumes et les trois heureux ayant attrapé les premiers la Croix, après l’avoir embrassée, ils l’ont sitôt passée à tous les autres plongeurs. Les eaux ont été enfin bénites, puis, les fidèles et même les moins fidèles, voire si besoin, nos animaux.

Belle journée que celle de la Lumière quant à son vrai prélude symbolique et d’abord calendaire. Nos pêcheurs ont comme prévu, proposé aux habitants leurs premières prises de l’année, car rien n’est laissé en quelque sorte au hasard, y compris en mer.

Belle affaire, trois beaux poissons de taille pour seulement 10€. Spítha, bien de chez nous, elle se sent également concernée par cette belle prise, de même que Volodia, notre matou… le plus intelligent de tous.

Il faut préciser que les petits chalutiers, nos caïques traditionnels étaient presque tous sortis de l’eau pour leur entretien annuel durant le carême d’avant Noël et les voilà de retour, pour ainsi remonter fièrement leurs premiers filets de 2024, la veille justement de la Théophanie. Et ils sont peints à neuf, lumière oblige !

Après tant de journées célébrées… sous les auspices de la viande grillée, nombreux ont été ceux parmi les habitants, matous… portuaires compris, lesquels… embusqués devant le caïque du Capitaine Pétros, se sont alors précipités sur son poisson. Tous, sauf le regretté Gatoúlis, ce valeureux matou roux, passé… de l’autre côté de la Lumière dans la matinée du 31 décembre 2023.

Il était d’ailleurs au même endroit, là où il attendait le bateau chaque matin… mais quand le Capitaine Pétros a accosté, il l’a trouvé inanimé. Il était le doyen des chats du grand port de Méthana… lumière sans doute oblige.

Sauf que comme toujours, peu d’humains auront remarqué son absence. Leurs priorités sont ainsi ailleurs. Car sinon voilà, notre journée du 6 janvier, il faut dire qu’elle fut autant synonyme de pâtisseries de saison bien honorées, à ne pas rater, elles sont les dernières disons, autorisées, avant de clore ce temps de Noël.

Comme de coutume, mais alors usage ayant largement perdu presque tout son sens, le peuple, celui des habitants ainsi que les rarissimes visiteurs hors-saison, ont retrouvé de leur sociabilité tant malmenée par le contexte économique et d’abord ontologique. Retrouvailles donc, ceci pour essentiellement évoquer les affaires courantes, les nouvelles de la famille, celles des enfants, des animaux, des oliviers et des bateaux de pêche.

La grande politique des dirigeants d’Athènes ou d’ailleurs, a été pratiquement absente des discussions, à l’exception disons pondérée, de la politique locale car 2023, fut une année électorale à tous les niveaux et à ce propos, la nouvelle équipe municipale élue en octobre, vient tout juste de prendre ses fonctions.

Après, la journée s’est terminée par la bénédiction des cafés, des tavernes, des patrons et des clients, ainsi que des familles et de leurs maisons, par ces rares derniers jeunes du village. Parmi eux, certains plongeurs bénits en premier sur le port ; ce sont eux, qui jusqu’à la tombée de la nuit, ont présenté la Sainte Icone du Christ, maison après maison.

“Cela porte surtout bonheur, nous en avons tant besoin par les temps qui courent”, nous dit encore cette année notre voisine, une femme ayant connu tant d’autres vrais moments collectifs au village comme en Grèce, étant née dans les lointaines années 1930.

L’office du soir, annoncé au son des cloches, a ainsi marqué la fin de cette journée… décidément lumineuse.

Une fois la bénédiction… achevée, la messe est dite. Les amis et les familles se retrouvent de nouveau dans les cafés, forcement populaires avant de regagner leur domicile. On y parlera peut-être un peu politique, qui sait ? Certains regagnent déjà Athènes et le Pirée, la rentrée des classes c’est pour le 8 janvier.

Mais alors chez nous en tout cas, les… nôtres, dont la jeune Spítha, ont déjà eu toute leur part de poisson et sans doute de Lumière.

Jour de la Théophanie en ce 6 janvier, signe de Dieu disons pour tous !

* Photo de couverture: La Croix dans la mer. Méthana, Péloponnèse, 6 janvier 2024