Plein sud


La Grèce du sud et d’abord le Péloponnèse, correspondent incontestablement aux stéréotypes en vogue, au sujet du voyage en Grèce. Et pourtant…

Regard… bien curieux et analytique. Péloponnèse, septembre 2024

Choses vues s’offrant certes au regard bien curieux comme autant analytique, situations sinon vécues via la Grèce Autrement sans rien ôter à la beauté des sites et des lieux, mais naturellement et comme il se doit, à partir de la fin septembre et non pas… entre juillet et août. Plein sud donc !

Le Péloponnèse tant… “pratiqué” on dirait depuis la nuit des temps du voyage, c’est d’abord cette terre d’oliviers par excellence et ceci, bien au-delà de la région attitrée de Kalamáta et ses fameuses olives.

Temps de jadis. Musée de l’olive et de l’huile. Sparte, septembre 2024

Les beaux musées locaux exposent alors précisément ce qu’il en est et qu’il en reste, comme par exemple à Sparte le Musée de l’olive et de l’huile grecque, faisant voyager à travers la culture, l’histoire et la technologie de la production d’olives et d’huile d’olive en Grèce, de la préhistoire, au début du XXe siècle.

Il s’agit également que de mettre en lumière le lien indissociable entre l’olivier et l’identité de notre territoire, et pour tout dire, en général avec l’espace méditerranéen. L’olive et son huile sont ici présentées, bien sous différents angles : l’économie, la nutrition et leurs usages, le culte, puis l’art et la technologie.

La cité Byzantine de Mystrá. Septembre 2024

Ainsi on peut y admirer ces rares feuilles d’olivier fossilisées, datées de 50.000 à 60.000 ans, issues de Santorin, les plus anciennes découvertes à ce jour, prouvant alors la longue présence de l’olivier en Grèce.

De même, on y découvre les copies exactes des Tablettes du linéaire B, syllabaire utilisé pour l’écriture du mycénien, une forme archaïque du grec ancien, datant du 14ème siècle avant JC., révélant les premiers récits rédigés et connus, sur l’olive et sur l’huile d’olive.

Sous le regard des animaux de la ferme. Péloponnèse, septembre 2024

Et à bien observer et même admirer les paysages façonnés par les oliviers, comme par exemple autour de la cité Byzantine de Mystrá près de Sparte, on comprend alors combien et comment dans chaque période historique, on retrouve immanquablement la contribution de l’olive et de l’huile à l’économie et à la vie quotidienne : alimentation, soins du corps, mais aussi usages oubliés, comme par exemple l’éclairage.

Sans enfin oublier que l’olive prend une dimension symbolique dans la mythologie, la religion, la morale et les coutumes des Grecs, et ceci jusqu’à nos jours. Ce que nous avons sitôt pu constater, le plaisir et le goût en prime, en visitant une ferme biologique dont les olives et l’huile sont vraiment d’une autre saveur, le vrai bon pain et les figues de barbarie en plus.

Sous le regard des animaux de la ferme. Péloponnèse, septembre 2024

Sous le regard, il faut dire surveillant, des animaux de la ferme, nous y avons eu surtout l’occasion d’échanger avec la famille des lieux, au sujet des… difficiles affaires courantes et de ce fait, sur la qualité de la vie… même par les temps qui courent.

Car derrière le lustre du tourisme, le pays grec encore profond et néanmoins largement dépeuplé, peine à se maintenir, y compris en ce Péloponnèse que les campagnes publicitaires ventent alors comme étant “la région mythique de la Grèce”.

Sous le regard des animaux de la ferme. Péloponnèse, septembre 2024

Et pour ce qui est du mythe, qui plus est ensoleillé, la ville médiévale du promontoire de Monemvasiá méritait tout de même notre bref détour, même s’il n’y a guère ici de bien vrais habitants, hormis les gérants des cafés, des restaurants et des hôtels et naturellement, les chats des lieux.

La vie d’antan est d’ailleurs parfois représentée à travers tous les musées locaux désormais, dont souvent les bancs, les objets usuels des classes et les photos d’écoliers datant du temps de l’école élémentaire pour ceux déjà… de ma génération, cela se nomme alors l’histoire et d’abord sa mémoire retrouvée, quand elle n’est pas perdue, comme on peut le constater autant si souvent.

Gastronomie à la ferme. Péloponnèse, septembre 2024

Et à Gýthio, la capitale de la région du Magne pour sa partie orientale, que l’on nomme autant parfois “le Magne tourné vers le soleil”, voilà que le regard attentif hellénophone pourra distinguer ce vieil écriteau commercial rajeuni, d’un établissement datant d’un certain temps, informant les possibles preneurs du service proposé, autrement-dit, l’accompagnement dans les démarches pour l’émigration, essentiellement vers les Etats-Unis, et ceci, à bord les nombreux paquebots appartenant aux sacrosaints armateurs Grecs, ayant donc sillonné les mers et les océans pour la “bonne cause”.

Car davantage dans le Magne qu’ailleurs dans le Péloponnèse, les hommes partent, ou plutôt ils partaient, souvent à la guerre, même à proximité et parfois aussi, ils partaient alors loin, très loin jusqu’aux Antipodes. Et les femmes restent, et comme elles restent, elles sont là pour raconter.

Au promontoire de Monemvasiá. Péloponnèse, septembre 2024

Comme on peut le lire par exemple à ce propos à travers l’ouvrage de Margarita Xanthákou : “On raconte en Laconie…: Contes populaires grecs du Magne”, “dans les villages du Magne, dans la pointe sud du Péloponnèse, les grands-mères racontent, les soirs d’hiver, les après-midis d’été, les aventures merveilleuses de jeunes filles à marier, de marâtres malveillantes, de créatures inquiétantes et de revenants vindicatifs”.

Margarita qu’est d’abord une amie de longue date, est ethnologue et psychologue, directeur de recherche au CNRS, membre du Laboratoire d’anthropologie sociale au Collège de France. Ses travaux, qui portent principalement sur les rapports entre l’ordre social et les formes de déviance, ont donné lieu à de nombreuses publications.

De l’accompagnement dans les démarches pour l’émigration. Gýthio, septembre 2024

Son anthologie commentée est issue d’une tradition orale multiséculaire, recueillis dans les années 1970 et 1980, contes alors nourris d’influences antique, balkanique, chrétienne et orientale et qui sont emblématiques de la complexité de l’âme grecque.

Remarquables d’inventivité et de richesse symbolique, parfois de cruauté, ils sont donnés à lire de la sorte pour la première fois, dans une transcription fidèle qui restitue la fraîcheur spontanée d’une histoire dite à la veillée. Voilà pour la présentation de l’ouvrage.

Notre génération… au musée. Gýthio, septembre 2024

C’est ainsi que derrière sa… vitrification touristique, à chaque fois que je me trouve dans le Magne, ou que je fais découvrir cette région en somme si âpre, je ne peux pas m’empêcher à recourir même de mémoire, aux travaux de Margarita et également à nos discussions parisiennes mais en réalité si grecques, elle, évoquant son Magne du côté sud de la Grèce et moi ma Thessalie natale, du côté nord en pays Hellène.

Ou sinon encore cette description d’un autre ouvrage par Margarita Xanthákou, intitulé “Faute d’épouses on mange des sœurs… Réalité du célibat” ; description faite par elle-même et qui sonne déjà en guise d’avertissement… quant aux temps qui meurent, on était déjà en 1993.

Orthodoxie grecque. Le Magne, septembre 2024

Mariez vos filles au plus vite, et que leurs frères puissent enfin convoler ! Les donner, oui mais à qui ? Problème crucial posé dans le Magne, une rude contrée du Péloponnèse dont la culture bientôt s’éteindra avec quelques anciens et les grands-mères qui sont la mémoire des traditions. Mais aujourd’hui encore, comme le célibat est triste…

Naguère, les concurrences, les affrontements et même de sanglantes vendettas entre groupes de parents rendaient parfois le problème insoluble – malgré les expédients admis par la coutume pour en prévenir les plus graves conséquences”.

Pleurer les morts. Le Magne des musées, septembre 2024

Puis l’émigration des jeunes hommes a remplacé lames, carabines, ou les effets pervers des stratégies matrimoniales dans la production de célibataires. Mais celle-ci, en tout lieu, tient ses modalités d’un exercice particulier de la parenté ; et dans le Magne, l’imaginaire comme les pratiques l’associent à la relation privilégiée entre frère et sœur. D’où la mise en perspectives complémentaires de ces données de l’ethnographie locale à travers nombre d’hypothèses et de conjectures toujours stimulantes”.

Les femmes du Magne pleurant ainsi leurs hommes morts, perpétuant à l’occasion la tradition d’une version de la vendetta bien à la grecque, désormais elles demeurent sans doute muettes depuis déjà un moment.

Effondrements. Le Magne, septembre 2024

Cependant et toujours sous le lustre du tourisme, en période d’été il faut dire de masse en ces lieux, les Maniotes, certains d’entre eux en tout cas, n’oublient pas leurs ancêtres, ni leur histoire, à l’instar de Yórgos, éditeur, érudit et gérant de la librairie “Le Magne Insoumis” à Areópolis, la capitale de la région du Magne pour sa partie ouest, que l’on nomme autant “le Magne sous l’ombre”.

Notons qu’Areópolis revendique l’honneur d’avoir été la première bourgade à brandir le drapeau de l’insurrection lors de la Guerre d’Indépendance grecque face aux occupants Ottomans, dès le 17 mars 1821, quand la tradition historiographique a officialisé la date du 25 mars pour l’ensemble de la Grèce. C’est également ici le fief de la célèbre famille des Mavromichális, chefs parmi les maîtres de l’insurrection nationale… et autant revendiquant même face au pouvoir grec, leur liberté à “gérer leur” Magne à leur seule manière.

Demeure fortifiée. Le Magne, septembre 2024

Il n’est d’ailleurs pas sans importance que de rappeler ici un fait symbolique disons majeur. Quand partout en Grèce le mot d’ordre brodé sur le drapeau des insurgés Hellènes fut “La Liberté ou la Mort”, le même drapeau chrétien, c’est-à-dire portant la Croix dans la région du Magne, était frappé du mot d’ordre “La Victoire ou la Mort”, tout simplement pour signifier aux autres Grecs tout comme à destination des étrangers Philhellènes, que le Magne depuis… toujours, était resté libre et insoumis face aux envahisseurs.

Yórgos faisait d’ailleurs remarquer que contrairement à nos autres contrées helléniques, le Magne est la seule région dépourvue de traces de la présence des Turcs, et ceci pour une raison bien simple. Les Ottomans n’ont jamais réussi à y mettre durablement pied et ceci durant près de cinq siècles d’Occupation sur les Balkans, voire, bien au-delà.

Trace… royaliste. Le Magne, septembre 2024

Cependant, et quand les maisons fortifiées des Maniotes encore demeurent, même transformées en pensions, bon nombre parmi les villages situés surtout à l’intérieur de la péninsule, sont abandonnés ou ils se trouvent pratiquement vides de leurs habitants de jadis.

Les maisons sinon elles s’effondrent, et avec elles, les dernières traces de vie et d’économie des temps passés. Maigre consolation peut-être et encore, sur les littoraux, les tavernes offrent alors tant de mets à déguster, ouzo et bière de Sparte compris.

Regard… local. Le Magne, septembre 2024

Le tout, sous le terrible regard de chats, forcément Maniotes !

Et la boucle en cette ultime contrée… royaliste du pays, s’achève non loin du cap Ténare ou Ténaro en grec, aussi connu sous le nom de cap Matapan, à l’extrême sud de la péninsule du Magne, entre la mer Méditerranée à l’est et au sud, et la mer Ionienne le bordant à l’ouest. C’est tout de même le point le plus méridional de la Grèce continentale et donc, de l’Europe en dehors bien entendu des îles.

Gastronomie… voyagiste. Le Magne, septembre 2024

Lieux alors craints, car considérés par les Anciens comme l’une des entrées des Enfers. Ici, une caverne se trouvant à son extrémité, où, à part le sanctuaire de Poséidon, Poséidon qui d’ailleurs en dieu autant chthonien, rendait des oracles puisqu’il restait en communication avec le monde des morts.

Nos anciens… et leurs morts ayant toute la connaissance des secrets divins, pouvaient alors lire l’avenir, d’où d’ailleurs en ces hauts lieux mystiques, la présence d’un Nécromantéion, littéralement “l’oracle par les morts”.

Sur les restes du temple antique. Au cap Ténare ou Ténaro, septembre 2024

Et sur les restes du temple antique, les Chrétiens des temps d’après, ont eu l’idée que d’ériger l’église des saints Asomáton, littéralement “Saints dépourvus de corps”.

La chapelle actuelle ne comporte plus ses icones ni même ses croix, et pourtant, Grecs et non-Grecs, déposent ici les preuves de vie des défunts qui sont les leurs, alors photos, objets et même nourriture… offrandes il faut dire symboliques et pourtant essentielles, faisant honneur de ce fait et une fois de plus, aux… Portes des Enfers.

Offrandes symboliques. Au cap Ténare ou Ténaro, septembre 2024

La Grèce du sud et d’abord le Péloponnèse, correspondent sûrement aux stéréotypes en vogue au sujet du voyage en Grèce. Surtout… entre Septembre et juin et cela… jusqu’aux… Portes des Enfers !

Aux temps d’après. Le Magne, septembre 2024

* Photo de couverture: Demeures fortifiées. Le Magne, septembre 2024



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