Plein nord
Voyager, c’est pour s’étonner, saisir ce qui est encore possible d’apprendre pour y réfléchir, et ensuite s’émerveiller ! En quittant bien vite Athènes, nous sommes donc partis pour le nord du pays et sa grande région autant culturelle que naturelle, celle de la Macédoine grecque.
Vyrónia et sa gare. Macédoine grecque, septembre 2024
Au-delà de l’unique quête de sens, nous concevons nos circuits sur mesure qui portent sur la rencontre avec la nature, la géographie, l’actualité, la culture et l’histoire de la Grèce contemporaine. Voire, la rencontre avec ses grands et petits malheurs, hérités du passé ou conjugués au présent, et ceci à travers le filtre de l’inévitable géopolitique du monde actuel… tant compliquée.
Le restaurant typique de la gare. Vyrónia, septembre 2024
La gare. Vyrónia, septembre 2024
Enfin, nous voilà après tant de parcours insolites au lac Kerkíni, en compagnie des pêcheurs et des habitants, dégustant la cuisine locale, dont une partie de la gastronomie est liée à l’élevage des buffles, parmi les derniers il faut dire encore subsistant à travers l’espace hellénique.
La gare. Vyrónia, septembre 2024
La Deuxième Guerre balkanique quant à elle, elle opposa la Bulgarie à ses anciens alliés, et l’enjeu fut essentiellement le contrôle final et si possible pérenne des territoires libérés, dont ceux de la Macédoine et de la Thrace occidentale.
Il convient de noter que la Macédoine historique de l’Antiquité, correspond quasi entièrement à la partie homonyme du territoire hellénique actuel, située comme on sait au nord de la Grèce. Notons également que le concept de la “Macédoine géographique” est essentiellement une construction des cartographes russes, allemands et bulgares de la fin du dix-neuvième siècle… à des fins géopolitiques. Ainsi, Skopje, la capitale du pays voisin de la “Macédoine du Nord”, pays quasi bulgarophone et dont un tiers de la population est composée d’Albanais, n’a par exemple jamais fait partie de la Macédoine historique, ni même géographique d’ailleurs, avant disons les projections cartographiques datant du milieu du dix-neuvième siècle.
Au restaurant typique de la gare. Vyrónia, septembre 2024
Et à proximité, un émouvant monument aux morts pour la patrie, rappelle tout le sens du sacrifice grec, voire du sacrifice tout court, durant les Guerres Balkaniques, la Grande Guerre, ainsi qu’au cours la Seconde Guerre mondiale, quand l’Italie de Mussolini avait défié la Grèce du Général Metaxás le 28 octobre 1940. Sans oublier les nombreux morts de la Guerre Civile des années 1944 à 1949.
Café grec. Vyrónia, septembre 2024
Rappelons que la Ligne Metaxás, autrement-dit, ses 22 ensembles de fortifications dont la plus grande est la forteresse de Roupel, s’étendant sur 155 kilomètres, fut construite le long de la frontière gréco-bulgare et consiste principalement en une succession de tunnels qui débouchent sur des postes d’observation ou des nids de mitrailleuses. Les plans de sa construction furent dressés en 1935 et les travaux commencèrent à Kerkíni même en 1936, pour prendre fin en 1940, étant donné que le déclenchement de la guerre a arrêté les travaux.
Morts pour la Patrie. Vyrónia, septembre 2024
Nous avons visité le Fort Istibey et son Musée militaire, lequel avec le Fort Roupel constituent deux points de référence important pour l’histoire de la Seconde Guerre mondiale en Grèce depuis l’implication de l’Allemagne sur le terrain des opérations. Installé au sein des fortifications, son musée présente une étonnante collection d’objets dont des armes individuelles de l’époque, ainsi que le moteur et d’autres pièces d’un avion de la Luftwaffe abattu par ses défenseurs.
Morts pour la Patrie. Vyrónia, septembre 2024
Le major Pikoulákis Xánthos. Musée du Fort Istibey. Macédoine grecque, septembre 2024
Au Fort Istibey. Macédoine grecque, septembre 2024
Cependant, malgré la solide défense grecque, les pénétrations des unités allemandes commençaient déjà à porter leurs fruits. Les attaquants ont alors mené un véritable “combat de proximité” afin d’aveugler, c’est-à-dire d’obstruer les petites ouvertures du front et sitôt y pénétrer… avant qu’ils ne soient décimés par les mitrailleuses grecques.
Au Fort Istibey. Macédoine grecque, septembre 2024
Malgré la défense désespérée des Grecs, la fin… n’était qu’une question de temps, même si une première tentative allemande de prendre Istibey d’assaut s’est avérée être une idée extrêmement malheureuse. Un groupe de pionniers d’Allemands entra dans le fort, mais fut contraint de se retirer avec des pertes considérables. Les Grecs se défendirent avec acharnement jusque dans les galeries !
Au Fort Istibey. Macédoine grecque, septembre 2024
Seuls huit des assaillants ont réussi à sortir du “tombeau” d’Istibey, emmenant avec eux quelques prisonniers. D’eux, le commandant de 5e division d’infanterie de montagne, le major Autrichien de la Wehrmacht Julius Ringel fut informé, d’ailleurs impressionné, que les petits groupes grecs combattant à travers les ruines avaient perdu toute communication avec leur commandement central du fort. Il n’y avait aucun espoir de se rendre, à moins que leur commandant ne l’ordonne. Ringel, étant un officier aguerri et un vétéran déjà de la Grande Guerre, avait tout compris.
Au Fort Istibey. Macédoine grecque, septembre 2024
“Le commandant du fort, accompagné de son aide de camp, sortit d’un nid de mitrailleuses détruit et rencontra le commandant allemand. Il revint bientôt au fort et donna l’ordre de la capitulation, suivant la procédure établie par les Allemands. Les officiers munis de leurs revolvers seraient les premiers à sortir par l’entrée principale du fort, suivis par leurs soldats non armés… À la sortie du fort, une grosse surprise nous attendait. Une garde d’honneur allemande s’est alignée et a présenté les armes à nos officiers. Le commandant du détachement allemand nous a félicités pour la défense du fort. Puis… nous avons été leurs prisonniers… livrés aux Bulgares”.
Morts pour la Patrie. Fort Istibey. Macédoine grecque, septembre 2024
Nous avons repris le chemin du retour, une route très sinueuse à peine goudronnée en pleine forêt dense, pour retourner sur les bords du lac Kerkíni. Ses pêcheurs nous attendaient pour nous monter les oiseaux du lac, “la plus grande réserve naturelle du pays” nous disent-ils, puis pour discuter avec nous évoquant les affaires de ce bas monde… oiseux alors compris.
Sur le lac Kerkíni. Macédoine grecque, septembre 2024
Voilà pour ce récit volontairement partiel de notre parcours en cette belle Grèce, côté nord.
Voyager, c’est certes pour s’étonner, saisir ce qui est encore possible d’apprendre pour y réfléchir, et seulement ensuite pour s’émerveiller ! La Grèce Autrement.
La Grèce… Autrement. Vyrónia, septembre 2024
* Photo de couverture: Sur le lac Kerkíni. Macédoine grecque, septembre 2024