Archéologie Locale
Les visiteurs de la Thessalie traversent le plus souvent cette région le temps d’une journée, rien que pour se rendre aux Météores. D’après l’actuelle littérature de voyage, cela se comprend, étant donné que “le site des Météores est un incontournable de la Grèce continentale. Les monastères sont perchés sur des pics rocheux, dans un décor majestueux”.
Rocade à deux fois deux voies. Vers les Météores, avril 2024
Le malentendu thessalien n’est pas nouveau. Déjà en 1965, le géographe Michel Sivignon notait que “la Thessalie a mauvaise réputation. Les voyageurs qui depuis plus de deux siècles font le pèlerinage de la Grèce pestent contre la boue ou la poussière, contre le gîte qu’ils trouvent trop sommaire, désagréments qu’ils sont prêts à pardonner aux régions où quelque ruine antique peut les consoler. Les touristes modernes traversent à la hâte ces lieux dépourvus du pittoresque qu’ils ont coutume de consommer”.
Route d’époque. Vers les Météores, 1941
Cette réputation n’est certes pas justifiée, déjà si l’on tient compte des sites archéologiques de la région… ceux que l’on découvre à vrai dire bien tardivement et plutôt même, laborieusement. Car il faut préciser que la Vieille Grèce, ce premier pays libéré des Ottomans dans ses frontières de 1831 allant du Péloponnèse à la Grèce Centrale, n’a incorporé la Thessalie qu’en 1881, puis l’Épire, la Macédoine et la Thrace bien plus tard, entre 1912 et 1923.
Le site de l’ancienne Pélinna. Avril 2024
Plus au nord, les Nouveaux Pays grecs pouvaient sinon attendre, dont évidemment la Thessalie. Les fouilles y ont été souvent sommaires, rapides… ayant valeur de sondage, et parfois même tout simplement, elles n’ont jamais été entreprises. Sauf que cette situation est enfin en train de changer, et c’est ce que nous avons voulu vérifier sur place.
Berger des lieux. Pélinna, avril 2024
Tel par exemple sur le site de l’ancienne Pélinna… à 15 kilomètres de la ville de Tríkala, bien en amont des célèbres Météores. Déjà, on y a retrouvé un imposant portique par lequel Alexandre le Grand est passé, ouvrage aux dimensions énormes ayant été mis au jour lors des fouilles archéologiques des dernières années ! Ce n’est pas rien, pour commencer.
Fouilles en cours. Pélinna, avril 2024
D’après les sources antiques, Pélinna était dotée de plusieurs sanctuaires, en l’honneur de Zeus, d’Athéna ainsi que de Mandó, la Sibylle Thessalienne, cette dernière était d’ailleurs représentée au revers des pièces de monnaie de la cité, datant du 3ème siècle av. J.-C.
Enceintes sur l’acropole. Pélinna, avril 2024
C’est ainsi que les fouilles archéologiques en cours depuis deux ans… dans un milieu autant naturel que bucolique, y ont permis d’identifier un deuxième grand bâtiment et d’étonnantes mosaïques.
Des travaux supplémentaires et des investigations approfondies seront menés pour découvrir ce qui se cache précisément sous l’impressionnante mosaïque mise au jour. La prochaine étape de la recherche archéologique consistera à identifier l’emplacement le théâtre antique, lequel demeure pour l’instant… introuvable.
La doline. Pélinna, avril 2024
Pélinna est sans doute un site émouvant, certes en pleine transformation, et aux visiteurs il faut dire, bien rares. Je me souviens à ce propos que Maître Vassílios, notre professeur de Lettres classiques au 4ème lycée de Tríkala nous avait déjà introduit en la matière, dès 1981. “Pélinna fut une cité importante, sauf que presque tout, reste à découvrir. Allez pourtant visiter le site avec vos parents, puis un jour quand peut-être je ne serais plus de ce monde, vous apprendrez que les fouilles auront enfin sérieusement commencé”. Oui, les fouilles ont bel et bien commencé et notre professeur de Lettres classiques à présent très âgé, doit même s’en féliciter.
Puits antique. Pélinna, avril 2024
Et pour ce qui tient des mythes antiques, on croit savoir que depuis ces temps immémoriaux, le roi éleveur de chevaux Pélias, celui du mont Pélion et des Argonautes, serait également lié à la destinée préliminaire de la cité de Pélinna et de ses premiers habitants. D’ailleurs le village actuel le plus proche de Pélinna, porte le nom très ancien de Petróporo, dénomination et alors terme dont la racine est issue du monde pré-mycénien.
Enceintes sous l’acropole. Pélinna, avril 2024
Puis bien plus tard car au-delà des mythes, une garnison macédonienne permanente y fut établie sous le règne de Philippe II. Son fils, Alexandre le Grand, séjourna en cette cité pro-macédonienne avant son expédition en Béotie, quand il triompha d’une coalition réunissant Athènes et Thèbes à la bataille de Chéronée, en 338 av. J.-C.
Enceintes sous l’acropole. Pélinna, avril 2024
Plus de quinze tours rectangulaires, un bastion et trois portes sont alors conservés. Des fondations d’immeubles, un édifice public, des puits, sont entre autres préservés de cette importante cité antique. Des idoles du culte d’Asclépios de Thessalie et du culte dionysiaque y ont été également récupérées.
Enceintes sous l’acropole. Pélinna, avril 2024
Puis, on a découvert la tombe d’une femme, la défunte était accompagnée de vases en argile, d’une couronne d’or, d’une paire de ceintures en or et de deux feuillets dorés en forme de cœur avec un texte gravé issu des écritures orphiques, tout comme d’une référence claire, faite en ce dieu de Thrace.
Berger des lieux. Pélinna, avril 2024
Car Alexandre, n’a guère suivi une route aléatoire, mais plutôt un chemin strictement prédéterminé, tel que lui avait été tracé par ce haut-lieu national macédonien, à savoir justement, le sanctuaire de Samothrace.
Car on sait qu’entre les mythes, le sacré, le profane et d’ailleurs également la géopolitique du moment, quand déjà le sanctuaire de Delphes indiquait aux puissantes l’ordre du passage par les cités qui leur étaient soumises ou sinon acquises par le jeu des alliances et des guerres dans la partie sud de l’Hellade, en parallèle les grands sanctuaires du nord, Dodóni en Épire ou alors Samothrace en mer Égée, faisaient de même dans la partie nord de l’Hellade, la Thessalie donc comprise. D’où le passage motivé d’Alexandre le Grand par ces lieux, et d’abord à Pélinna.
Pont détruit. Thessalie, avril 2024
Mais en attendant, tout autour, nombreux sont par exemple les ponts en Thessalie encore détruits et non réparés, suite aux pluies diluviennes et aux inondations de septembre 2023. Le pays reste cependant paisible, à l’image du jeune berger sur le site de Pélinna, assis devant ses moutons… entièrement absorbé par son smartphone.
La place centrale. Tríkala, avril 2024
Une introduction en la matière à l’occasion de la journée dédiée aux animaux adespotes – ceux qui n’ont pas de maître, sous le patronage du service vétérinaire relavant de l’administration régionale de Thessalie.
Ma prestation devant les lycéens. District de Tríkala, avril 2024
Et sur la nouvelle rocade bien en face du lycée, les visiteurs de la Thessalie s’empressaient toujours… de traverser notre région, rien que pour se rendre aux Météores… le temps d’une journée. C’est bien connu, le malentendu thessalien n’est guère nouveau.
Nos animaux. Péloponnèse, avril 2024
* Photo de couverture: Enceintes sur l’acropole. Pélinna, avril 2024