Chats adespotes
Les visiteurs de la Grèce ont tous observé l’omniprésence, pas toujours discrète il faut préciser, des animaux que l’on nomme alors au pays des Myrmidónes tout simplement “adéspota” ; littéralement : ceux qui n’ont pas de maître. Autrement-dit, qu’ils ne vivent pas sous… l’autorité d’un despote, qui plus est, appartenant au genre humain.
Gatoúlis du port. Péloponnèse, 2024
Inutile d’exprimer ici, au risque de me répéter, que les adespotes tant estimés à travers mes écrits, sont essentiellement les chats et non pas les chiens, ou sinon ces derniers, seulement de manière anecdotique… question de tempérament sans doute.
Chez les vignerons de Mesenikólas. Thessalie de montagne, 2023
Souvent ces chats sont accueillis chez les commerçants, aux cafés et restaurants, puis naturellement chez les Grecs ainsi que chez certains autres habitants du pays. Je me souviens par exemple de ce jeune chat ayant pris toute sa place chez les vignerons de Mesenikólas en Thessalie de montagne… dont leur vin de cépages d’origine française est unique dans le pays, chat roux que j’ai ainsi croisé trois ans de suite… avant sa disparition. Vies éphémères, pour ces chats alors éternels !
Article sur les chats grecs par Effy Tselikas, 2023
Et pour ce qui est de la culture, en réalité nous y sommes de plein pied… ou plutôt de pleines pattes.
“Service des Adespotes”. Athènes, 2019
Princesse, chez “son” antiquaire. Athènes, 2020
“À Athènes, on estime par exemple qu’il y a un million de chats en tout, en comptant à la fois les katoikidia (les chats de la maison, ceux qui sont rattachés à un foyer) et les adéspota (littéralement les sans-maître, les chats errants), détaille le vétérinaire comportementaliste Christos Karagiánnis. Mais il s’agit là d’une frontière floue, certaines personnes prenant chez eux des chats errants, quand d’autres se débarrassent dans la rue de leurs chats domestiques”.
Chat adespote du côté de l’Agora. Thessalonique, 2022
Interviewé par Effy pour les besoins de son reportage, j’ai tenu surtout à répondre à trois questions posées – “Trois questions à Panagiótis Grigoríou” :
Y a-t-il une façon de vivre spécifique aux chats errants de Grèce?
“Ces félins ont un mode de vie que l’on pourrait qualifier tout à la fois de libertaire et de communautaire. Ils sont certes indépendants, libres de choisir leurs interactions avec les autres animaux. Mais ils ont aussi développé des liens d’entraide avec les humains, sur le modèle de la paréa (communauté). Ils se rendent utiles au voisinage, en échange de quoi les habitants prennent soin d’eux”.
Chat qui grimpe. Mystrá, Péloponnèse, 2023
“Il y a une similitude, oui, liée à la fois à un même climat propice et à une domestication fondée sur la commensalité (le partage des ressources alimentaires entre deux espèces). Mais contrairement à l’Égypte, où il a été déifié, et à la Turquie, où il fait l’objet d’un respect d’ordre religieux, le chat en Grèce est un habitant… comme les autres”.
Un chat errant est-il plus “heureux” qu’un chat d’appartement?
“Il faudrait se mettre à leur place pour répondre à cette question ! Certes, la vie moderne est dangereuse pour les chats, notamment en ville avec la circulation, le manque de place. Mais il y a aussi une forme de violence à vouloir enfermer un animal dans une maison. Si beaucoup de Grecs sont opposés à cette idée, c’est aussi qu’ils y voient l’empreinte des pays du nord de l’Europe. Et un modèle de société sécuritaire, contrôlée, dont le chat d’appartement devient l’incarnation”.
Velissários en arrivant chez nous. Péloponnèse, mai 2022
Les investisseurs, étrangers pour 90% des acquisitions, ont depuis ladite crise grecque, “obtenu” ces biens que les Grecs paupérisés avaient ainsi cédé. Notre antiquaire… chassé des lieux, a d’abord trouvé refuge chez ses confrères du coin, guère mieux lotus que lui en réalité, puis, moyennant une pension de 700€ et au mieux, il s’est retiré chez lui, mais il a également emmené sa Princesse. Car, aux dires des commerçants qui furent ses voisins immédiats, abandonner sa Princesse serait alors synonyme de crime.
Velissários soigné et surveillé par Volodia. Mai 2024
Ce qui est cependant avéré, tient de la disparition progressive des chats du centre-ville historique d’Athènes, déjà parce qu’il n’est plus habité par les Grecs, quand il n’est pas habité du tout, étant donné que près du 70% de son ancien tissu de commerçants n’est plus après dix ans de crise, et surtout qu’il a été transformé en hôtellerie… aseptisée.
Ouranía après soins. Péloponnèse, 2024
Notons que la population officiellement décomptée de l’agglomération d’Athènes et de sa région l’Attique, s’élèverait à près de 4 millions d’habitants. D’après les sources officieuses dont mes amis journalistes disposent actuellement, l’Attique serait plutôt peuplée de 5 millions d’habitants, dont 2 millions de migrants… le tout, sans compter naturellement nos chats… “sans frontières”.
Volodia, le plus intelligeant des matous. Péloponnèse, 2024
Le vieux Velissários déjà, il est arrivé mourant en mai 2022, nous l’avons soigné et gardé et donc il se porte bien, toujours sous le regard et sous la protection de notre Volodia, le plus intelligent parmi nos matous, lui aussi un ancien adespote.
Hermès et la regrattée Mimi. Athènes, 2020
Bien entendu, nos éternels matous… parfois ils disparaissent, d’accidents ou de maladies, ceux que nous n’avions guère pu sauver, comme Yannákis et Felix, adespotes ayant fui dans un sens notre piètre monde despotique.
Le regretté Yannákis. Péloponnèse, 2022
“Les chats font, en Grèce, partie de la paréa, c’est-à-dire de la communauté, avance l’anthropologue et historien Panagiótis Grigoríou. Comme dans nombre de pays méditerranéens, ils sont pris en charge par les habitants du village, du quartier”.
Le regretté Felix. Péloponnèse, 2023
Mais alors chez nous, Volodia, le plus… philosophe des chats, sommeille parfois à son tour, dans une jarre de petite taille couchée sur le flanc.
Notre jeune Sotiroúla. Péloponnèse, 2025
Verbes d’Adespote… au pays des Myrmidónes !
Volodia, dans sa jarre. Péloponnèse, 2025
* Photo de couverture: Chats adespotes. Péloponnèse, 2020